Connaissez-vous l’adage ‘’vous n’aurez jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression’’?  Parlant de l’inévitable légalisation du cannabis à des fins récréatives à compter du 1er juillet 2018, il n’est pas trop tard pour bien orienter le modèle de développement le plus approprié au contexte québécois, au contexte agricole de surcroît, et serricole surtout. La latitude donnée au gouvernement provincial en matière de réglementation constitue cependant une arme à double tranchant…

Effectivement, l’on peut craindre que le marché du cannabis passe des mains des barons de la rue aux mains de barons de la finance si la complexité de l’enjeu n’est pas décortiquée et abordée de front.  Nous l’avons constaté récemment, la production et la mise en marché du cannabis suscitent la convoitise d’une poignée de groupes financiers très actifs en matière de lobbying.  Des groupes qui tablent sur la méconnaissance, la peur et la désinformation pour faire de l’enjeu de la sécurité le centre du débat en matière de production.  Certes, la sécurité et la santé des populations font partie de l’équation.  Qu’en est-il  cependant des déterminants économiques?  Ne devrait-on pas s’interroger à leur propos?  N’ont-ils pas aussi leur importance?

L’objectif avoué de la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral étant d’enrayer le marché illicite, il va de soi que le déterminant prix du produit légal sera d’une importance majeure.  C’est seulement en le fixant à un maximum de 10$ le gramme, toutes taxes incluses,  que le marché légal pourra commencer à enrayer son penchant illicite.  À ce propos, le gouvernement du Québec a récemment déposé le Projet de loi no. 157, lequel constitue notamment la Société québécoise du cannabis (SQC) et édicte la Loi encadrant le cannabis.

À l’heure actuelle, rares sont les personnes qui se questionnent sur l’approvisionnement en produit par cette nouvelle structure étatique, si bien que quelques groupes d’apprentis producteurs se positionnent comme les nouveaux barons du cannabis.  Ces derniers sont ni plus ni moins prêts à contrôler le volet de la production.  Comment leur en vouloir?  L’opportunité d’enrichissement est indubitable!

Pourtant, il peut en être autrement.  Un modèle reposant d’abord et avant tout sur l’expertise et l’efficacité des entreprises agricoles, serricoles de surcroît, pour l’offre de cannabis de qualité à prix compétitifs semble avoir sa place.  Les entreprises serricoles sont en effet les mieux placées pour faire de l’opportunité de la légalisation un moteur du développement régional, et plus concrètement pour approvisionner la SQC, future filiale de la Société des alcools du Québec (SAQ).

Ce modèle inédit permettrait à une diversité d’entreprises de profiter d’un créneau de production prometteur.  Ces dernières, déjà réparties sur l’ensemble du territoire de la province,  pourraient facilement approvisionner la SQC en produits de qualité répondant à des normes de salubrité et de traçabilité strictes.  C’est leur métier, leur passion, leur gagne-pain!  D’ailleurs, les normes de production sont déjà bien connues des producteurs et ces derniers connaissent déjà certaines techniques de production similaires à celles requises pour faire pousser du cannabis.

Certains seront tentés d’avancer que la sécurité se pose comme enjeu prioritaire dès lors qu’il est question de décentraliser les activités de production. Or, dans son approche, le gouvernement fédéral propose l’établissement d’une catégorie de ‘’micro-producteur’’ et une catégorie pour la reproduction en pépinière.  Les équipements de sécurité prévus pour ces types de producteurs, tels les barrières physiques (mûrs ou clôtures), sont simples, sûrs, disponibles et accessibles.

Afin de conserver un coût de production suffisamment bas pour laisser place au prélèvement de taxes qui permettront de financer des activités de prévention et de recherche sur la santé, un modèle décentralisé doit sérieusement être envisagé. Pourquoi ne pas profiter de l’opportunité de la légalisation pour se démarquer et offrir du cannabis ‘’durable’’, biologique, produit à proximité des lieux de consommation dans des serres chauffées grâce à l’hydro-électricité du Québec?

Nous n’aurons pas une deuxième chance pour développer un modèle convenable répondant aux attentes des québécois, lesquels exigent  un accès à du cannabis à faible empreinte environnementale, dont la production et les activités qui en sont dérivées permettront de mieux répartir la richesse entre les régions et les personnes. Tâchons de faire bonne impression, maintenant!

 

Claude Laniel

Directeur général

450-679-0540, poste 8366